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Jean Prieur (1914-2016)

Jean Prieur (1914-2016)

Jean Prieur a étudié les doctrines ésotériques et les phénomènes paranormaux à la fois en tant qu'historien et philosophe.


La réincarnation existe-t-elle ?

Publié par Jean Prieur sur 29 Juillet 2005, 23:00pm

Catégories : #Interviews de Jean Prieur

Dans ces dernières années, l'idée de réincarnation est arrivée en Occident dans le sillage du yoga et du zen. Elle s'est répandue comme une traînée de poudre, tant en Europe qu'en Amérique. Est-ce vraiment étonnant ? La réincarnation satisfait un besoin d'évasion et de romanesque. Elle correspond bien à cette civilisation qui idolâtre le corps, la vie, la sexualité, la personnalité, l'égo sous toutes ses formes.

 

Yann-Erick Pailleret :
La réincarnation ne correspond-elle pas surtout à un besoin d'évasion dans le temps et l'espace ?

Jean Prieur:
Certainement. La vie dans les grandes cités modernes a quelque chose de monotone et de réglé qui exige des compensations.

Yann-Erick Pailleret :
C'est ce qu'on appelle la revanche sur l’ennui.

Jean Prieur:
Ce qui n'empêche pas que la réincarnation soit une idée très ancienne. Elle se perd dans la nuit des temps préhistoriques. L'homme de ces époques lointaines était frappé par le spectacle de la nature qui semblait veiller en automne, mourir en hiver et renaître au printemps. Les bourgeons sur les arbres représentaient pour lui une parabole très immédiate, très accessible, de la vie toujours renaissante.

Yann-Erick Pailleret :
Vous pensez que l'homme primitif avait une notion de l'au-delà ?

Jean Prieur:
Absolument. Cela se constate dans les sépultures les plus anciennes. La tête du mort est tournée vers l'Orient, donc vers le soleil qui recommence son cours, autre symbole de renaissance. Il est émouvant de découvrir qu'une petite fille était enterrée avec sa poupée, une femme avec ses bijoux, un guerrier avec ses armes.

Yann-Erick Pailleret :
Objets dont il allait avoir besoin dans l'au-delà, et surtout pour son prochain retour sur Terre.

Jean Prieur:
Vous avez raison de dire prochain, car, dans ces civilisations primitives, la renaissance est quasi immédiate. On le voit chez les Protoeuropéens. Selon leurs religions respectives, qui avaient tant de points communs, le défunt ne restait pas longtemps dans le monde des esprits, il avait hâte de revenir en ce monde pour boire de bons coups et reprendre le combat.

Yann-Erick Pailleret :
On est loin du pessimisme bouddhique. Et pourtant quand on parle des vies successives, on pense aussitôt à l'Inde et au Bouddha.

Jean Prieur:
L'inde d'avant le Bouddha, l'Inde védique, n'était pas réincarnationniste.

Yann-Erick Pailleret :
Ah! par exemple... Je croyais le contraire.

Jean Prieur:
Un tout petit peu d'histoire: entre le XXème et le XVème avant notre ère, l'Inde du Nord, principalement le Népal, a été envahie par les Protoeuropéens, ancêtres des Celtes, des Germains et des Slaves. Ce sont eux qui ont déferlé sur l'Inde avec armes et bagages, et dans ces bagages, il y avait la transmigration des âmes. Elle fut développée par le prince Siddharta qui devait par la suite recevoir le titre de Bouddha, c'est-à-dire d'Illuminé. Un jour, le prince, que le roi, son père, élevait en vase clos, loin de la misère du monde, s'échappa. Il se promena incognito en ville et découvrit en un seul jour tout ce qu'on lui avait caché: la pauvreté, la maladie, la vieillesse et la mort. Comme il était généreux et bienveillant, il en fut très affecté...

Yann-Erick Pailleret :
Et c'est ce qui a conféré au bouddhisme ce caractère pessimiste.

Jean Prieur:
Oui. Siddharta était un philosophe, un méditatif, et dès qu'on se met à réfléchir sur le destin du monde, il est difficile de rire aux éclats. Le Bouddha ne nous présente pas les renaissances comme une parie de plaisirs.

Yann-Erick Pailleret :
Mais les partisans modernes de la réincarnation ne voient pas son aspect terrifiant.

Jean Prieur:
Eux, qui ont été pour la suppression de la peine de mort, envisagent sans crainte la peine des morts successives. Ils s'accommodent de cette surestimation de la souffrance, de cet enchaînement de fautes et d'expiation qui rappellent trop l'ancien christianisme où "le misérable pécheur" faisait figure d'éternel coupable. Eux qui croient dur comme fer que tout est permis et qui rejettent à l'avance toute responsabilité; acceptent sans difficulté ces greffes de destins criminels sur des destins d'innocents. L'actuel réincarnationnisme occidental, se fonde sue le problème du mal et de la souffrance humaine qu'il s'agit d'expliquer, et tous deux font appel à la loi du talion. Tous deux nous programment dans l'idée de culpabilité et disposent du même arsenal punitif.

Yann-Erick Pailleret :
Vous avez intitulé le premier chapitre de votre livre " Le Mystère des retours éternels ": Un signe de contradiction.

Jean Prieur:
En effet, les contradictions sont nombreuses et violentes. Je le constate par le courrier que je reçois. Ainsi, cette lettre d'une jeune femme: "La réincarnation est incompatible avec l'amour entre les êtres. L'enfant qui passe d'une famille à l'autre pendant d'innombrables existences, c'est de la démence. Cela tient du cauchemar, cela conduit à la désespérance. Une telle possibilité me paraît plus horrible encore que le néant." Une autre de mes correspondantes, Marianne, rentre catastrophée d'une séance chez une médium qu'elle avait consultée pour avoir des nouvelles de ses parents décédés. La dame en question lui a appris que sa mère vient de se réincarner. Résultat : le père, de l'autre côté, est désespéré, car il se retrouve solitaire et veuf une seconde fois. Marianne, elle-même, se dit qu'elle ne connaîtra jamais le bébé qui vient de naître quelque part, et que sa mère, qu'elle espérait tant revoir, est à jamais perdue.

Yann-Erick Pailleret :
L'amour n'est pas réincarnationniste.

Jean Prieur:
L'amour exige l'unicité de l'être: c'est toi et pas un autre que j'aime et que je veux retrouver.

Yann-Erick Pailleret :
Certains disent qu'ils vivent et vivront toujours le même amour, mais dans des vies successives...

Jean Prieur:
Il y a aussi, peut-être, aussi un juste milieu: on se retrouve un temps pour s'aimer dans l'au-delà et puis, quelques siècles plus tard, on retourne sur Terre. Il est possible qu'on puisse ne pas s'aimer à l'infini dans le monde spirituel. C'est une question qui hante très souvent les gens. Si l'amour exige l'unicité, il exige aussi l'immortalité.

Yann-Erick Pailleret :
Je vous ai entraîné dans le monde métaphysique, il serait temps de revenir dans le monde physique où sévissent le mal et la douleur. Des êtres innombrables souffrent atrocement dans leur vie. Pourquoi ?

Jean Prieur:
Vous touchez là une question fondamentale à laquelle bon nombre de théologiens se gardent de répondre. Je dirai ceci: Dieu a établit des lois qui, en principe, fonctionnent très bien, mais statistiquement, il y a des grains de sable, dans la machine bien huilée.

Yann-Erick Pailleret :
Oui, mais encore. Ces dérapages, ces ratés, ne doivent pas être inutiles. Pourquoi certains souffrent-ils et d'autres pas ?

Jean Prieur:
En réalité, tout le monde a sa part de souffrance.

Yann-Erick Pailleret :
Vous ne croyez pas en une justice liée à la réincarnation ?

Jean Prieur:
Le principe de faire supporter à l'individualité B les erreurs ou les crimes commis par l'individualité A me révolte. A a bien vécu, a fait le mal en toute impunité et se dit: de toute façon, ce n'est pas moi qui paierai. C'est à B, qui viendra plus tard, que la note sera présentée.

Yann-Erick Pailleret :
Donc vous niez la réincarnation punitive...

Jean Prieur:
Je ne nie rien parce qu'il y a toujours des exceptions. Mais je pense que pour les gens qui ont fait délibérément le mal, il y a peut-être un châtiment de ce style. Mais, de grâce, de là à considérer tous les malheureux sur Terre comme d'anciens malfaisants...Non !
Mais un retour sur Terre pour certaines âmes dans des vies très dures peut leur éviter un enfer définitif.


Yann-Erick Pailleret :
Ce serait donner une deuxième chance, tout en permettant de payer ses fautes passées. Cela doit bien arriver de temps à autre ?

Jean Prieur:
La seconde chance, c'est le monde des esprits que l'Eglise catholique appelle purgatoire ou "séjour de purification". J'ai reçu un message disant ceci: le purgatoire vous dispense de la réincarnation. C'est très important. Le purgatoire existe et on ne peut pas l'associer à la réincarnation. Sinon, on paierait deux fois.

Yann-Erick Pailleret :
Justement, dans le système réincarnationniste, on paie deux fois: une fois en astral et une seconde fois sur la Terre. D'ailleurs, la Terre elle-même est déjà un purgatoire: guerre, accidents, maladies génétiques, morts prématurées, guerres sans cesse renaissantes ...

Jean Prieur:
A propos de mort prématurée, voici la lettre d'une jeune femme: "Je viens de perdre une fille de quinze ans. Croyant me consoler, une collègue me cite le texte d'un lama tibétain qui déclare ceci: "Nos enfants ne nous appartiennent pas. La mère n'est qu'une hôtellerie de passage où le petit être est venu habiter quelque temps, en attendant de repartir et de s'établir ailleurs. Et parce que j'aime de toutes mes forces la jeune disparue, elle me reproche d'être possessive."

Yann-Erick Pailleret :
Vous avez cité dans " Le Pays d’Après " des lettres de personnes jeunes, mais qu'en pensent les gens plus âgés? La perspective de retrouver un corps tout neuf devrait les réjouir ?

Jean Prieur:
Pas forcément. " J'espère bien, m'écrit l'un d'eux, que la réincarnation est, comme le dit Pierre Monnier
, dans ses messages, volontaire et exceptionnelle; si elle était obligatoire et générale, je ne pourrais plus croire. Je ne connais pas de doctrine plus effroyable. Comment un Dieu d'amour pourrait-il infliger à un être des quantités d'existences, enchaînement de déceptions et de chagrins. La vie n'est supportable que parce qu'on se dit qu'il n'y en a qu'une. Ah! si la Terre était un séjour d'ordre et de beauté, si elle était peuplée d'êtres bienveillants et intelligents, comme on aimerait à y revenir! Mais comme ce n'est pas le cas, plutôt le néant, plutôt la vraie mort, que la réincarnation!"

Yann-Erick Pailleret :
Voilà une lettre assez terrible et qui soulève bien des problèmes.

Jean Prieur :
Elle apporte aussi une réponse, celle du messager de l'au-delà: Pierre Monnier, dont l'œuvre couvre la période 1918-1937 . Son idée de réincarnation exceptionnelle et volontaire est des plus intéressantes et je l'ai adoptée. Désormais, les choses sont claires: d'un côté, il y a la roue et, de l'autre, le rêve.

Yann-Erick Pailleret :
Mais ce n'est pas clair du tout. Expliquez-vous !

Jean Prieur:
La roue, c'est la Réincarnation, Obligatoire, Universelle, Éternelle. Le rêve, c'est la Réincarnation, Exceptionnelle, Volontaire, Existentielle.

Yann-Erick Pailleret :
Existentielle ?

Jean Prieur:
C'est-à-dire limitée dans le temps et l'espace.

Yann-Erick Pailleret :
Si pour vous la réincarnation est exceptionnelle et rare, d'où proviennent les âmes des nouveau-nés qui, par millions s'incarnent sur notre globe ?

Jean Prieur:
Tout dans l'Univers nous montre l'abondance. Du temps de Platon, la population de la Grèce était des plus modestes, et l'on pouvait croire que c'était toujours le même stock d'âmes qui reparaissait. Mais maintenant avec l'accroissement fantastique de la population, on voit bien que Dieu crée sans cesse de nouvelles âmes. Jésus a dit: " Mon Père travaille jusqu'à présent et, moi aussi, je travaille." Ce travail ne consiste-t-il pas à lancer sans cesse des êtres nouveaux dans le fleuve irréversible de la vie. La nature est une immense parabole. Voyez la neige: tous les cristaux sont différents, comme le sont les âmes qui descendent sur Terre comme une neige éternelle. Les flocons sont purs à l’origine, ils le resteront s’ils s’accrochent aux arbres, mais s’ils tombent sur la chaussée des villes, ils se transformeront rapidement en boue.

N.B. :
Le sujet de la réincarnation est très vaste et souvent les avis divergent. Pour plus d’informations, nous vous conseillons, entre autres, de lire les ouvrages de Marie Stanley et de vous reporter aussi aux messages post-mortem de Georges Morrannier.

Propos recueillis par Yann-Erick Pailleret.

 

 

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J
Des innocents héritant de destins de criminels, une expiation, des enfants changeant de famille...c'est une vision bien occidentale, voire chrétienne. Une vision reposant sur la croyance en l'individu. Mais comme disait Gibran, "vos enfants ne sont pas vos enfants etc"<br /> Il n'y a ni expiation, ni injustice si l'on admet qu'il y a une continuité de l'être ou de l'âme. Au contraire, il y a la possibilité d'un progrès et le fait que rien n'est perdu. 
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J
Effectvement, nos points de vue divergent quelque peu. C'est un vaste débat!Mais, finalement on se rejoint sur bien des points, surtout si vous lisez mon livre: "Le mystère des retours éternels" aux éditions Robert Laffont. Ce qui est certain pour moi c'est que je suis contre la notion Boudhique annonçant: "tout est illusion" et par conséquent l'âme aussi. Les enfants (puisque vous en parlez) sont la chair de notre chair, nous leur transmettons plus que nos gènes, notre culture et notre façon de vivre; nous avons surtout envers eux (et envers toute notre famille) un lien indéfectible d'amour avec un être unique (je le répète: un et indivisible, comme l'atome). Un amour familial logique, pur et continuel qui est, vous en conviendrez, fort peu accomodable avec la grande roue Samsara.Je suis pour une réincarnation existentialiste, choisie et non systématique.

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