L’ÉVANGILE ÉTERNEL ABRÉGÉ
Le présent texte est issu de ma conférence faite à Lausanne le 24 mai 2007. Il s'agissait de présenter mon Evangile éternel et mondial (Editions Alphée.Paris) aux membres de l'Association culturelle l'Artimon, animée par Régis Monnier. Cet exercice périlleux me fut très utile. Il me permit de resserrer et de préciser ma pensée, de répondre à certaines critiques justifiées et d'enrichir ma thèse sur des points essentiels comme la divinité du Christ, la pluralité des Eglises, l'autorité de la Bible, et en particulier de la genèse et de l'Apocalypse.
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Evangile éternel et bimillénaire de saint Jean (105-2005) sont deux événements étroitement unis ; ils le sont en Apocalypse XIV, 6 : " Et je vis un autre ange qui volait au zénith. Il portait l’Evangile éternel pour l’annoncer aux habitants de la Terre et à toute nation, tribu, langue et peuple. Il disait d’une voix puissante : "Craignez Dieu et rendez-Lui gloire, car elle est venue l'heure de Son jugement. Adorez Celui qui a fait le Ciel, la Terre, la mer et les sources des eaux!" (Beaucoup de versions du Nouveau Testament traduisent platement : il apportait une bonne nouvelle, mais il est question de bien autre chose ; il s'agit d'une théologie ou plutôt d'une théurgie originale, d'un acte de Dieu qui s'épanouit en nouvelle de bonheur.) L'accent est mis sur l'acte créateur : seul le Père peut créer.
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I
DIEU EST LE VERBE ÊTRE AU PARTICIPE FUTUR
L'Evangile éternel est avant tout l'Evangile de Dieu dont parle Jean surnommé Marc (I, 14) : Après que Jean (Baptiste) eut été livré, Jésus alla en Galilée ; Il prêchait l’Evangile de Dieu, disant : Le temps est accompli, le règne de Dieu est proche. Dans la version Chouraqui (Ne sachant pas l'hébreu, je recours à deux fils d'Israël : André Chouraqui et Salomon Reinach) Dieu est appelé Elohim " Il est accompli le temps ; il est proche le royaume d’Elohim." La différence entre Elohim (le Très Grand Dieu) et Iaweh-Jehovah (le dieu tribal) a été détectée dès le XVIIIe siècle par le médecin français Jean Astruc (Sauve en Languedoc- 1684 – Paris 1766). Tout ce qui a contribué à faire du christianisme une religion sombre, ennemie de la vie, et de ce qui en fait le charme, a son origine dans le récit jéhoviste de la Genèse, mais Astruc n'a pas tiré les conséquences de sa prodigieuse découverte. Ce n'est qu'au début du XXe siècle, que Salomon Reinach, dans sa magistrale HISTOIRE GENERALE DES RELIGIONS intitulée ORPHEUS (Alcide Picard Ed.) eut l’idée de mettre bout à bout les passages où Dieu est nommé Elohim et ceux où Il est nommé Yahweh ; il a obtenu ainsi deux récits complètement distincts qu’il a publiés à la page 257 de son ORPHEUS .Cela commence par " Au commencement, Elohim crée les cieux et la terre…" Et Chouraqui confirme au verset 26 "Elohim dit : "Nous ferons Adam le glébeux à notre réplique".
En Apocalypse XIV, 7 : " Craignez Dieu : rendez-lui gloire ! " devient " Frémissez d’Elohim ! " Il y a en effet de quoi frémir.
Au début de l'Apocalypse retraduite par Chouraqui, on retrouve Elohim, l'Etre absolu, l'Etre suprême au-dessus de ceux qu'on appelle les elohim, les dieux qui sont nés de la Terre et sur la Terre ; ces dieux que l'homme a faits et qui n'ont point fait l'homme. Ce Très Grand Dieu, cet Immense, cet Inconnaissable qui a créé la Terre et le Soleil, les Terres de l'espace et les soleils-étoiles, déclare donc en Apocalypse I, 8 : " Moi, je suis l’aleph et le tav, l’Etant, l’Etait et le Venant, Elohim Sebaot. " Saint Jérôme est plus clair : Ego sum qui est, qui erat et qui venturus est.
Imhotep et les Egyptiens polymonothéistes Le désignaient sous le nom de Neter neterou ; Aménophis IV L'appela Aton et incorpora son nom dans le sien, ce qui a donné : Akhenaton. Le pays du Nil est spécial en son monothéisme puisque chaque cité avait son Dieu unique ; un Dieu unique pour tous les hommes ; en Egypte, pas de castes, pas d’intouchables. Les Nubiens noirs étaient honorés. Il y eut des pharaons noirs.
Moïse réagit contre la pluralité des dieux uniques : sur le mont Horeb, grâce à l'Ange de l'Eternel qui n'avait pas encore révélé son vrai nom, Gabriel, il découvrit Elohim qui lui déclara : "Je serai qui Je serai" Ehie asher èhiè (Exode III, 14 et 15)
Messager de Deus Venturus, Moïse se rendit chez les Benéï Israël et leur dit : " L’Elohim de vos pères m’a envoyé vers vous ".
Sur le mont Rhodope (en Thrace, aujourd'hui Bulgarie), Orphée hésita entre Apollon et Dionysos, comme quelqu’un que je connais entre Elohim et Jéhovah. Puis, estimant que Dionysos et Apollon étaient humains et trop humains, le roi Lyre opta pour Phanès, dont la syllabe centrale subsiste dans diaphane, Xénophane, épiphanie, théophanie. Il résuma son enseignement en ce vers : Je suis fils de la Terre et du Ciel des étoiles ; Ciel physique, splendeur du Dieu manifesté. Orphée, préfiguration du Christ figuré dans les Catacombes, paissait les agneaux et les faons de Dieu.
Aux Indes (pluriel intentionnel) l'Absolu, immuable, éternel, le Premier sans second, le Transcendant, à l’état pur, fut nommé Brahman. Le Véda nous dit que tout est Brahman. Soit ! Mais si tout est Brahman, Brahman n'est rien. L'Evangile éternel, qui n'est pas panthéiste, ne saurait accueillir le Brahman.
Il n'est pas davantage bouddhiste. Malgré son désir d'universalisme, il ne peut intégrer un épisode comme celui-ci. Après un discours du Bouddha, un disciple, troublé, lui demanda : "Maître, si j'ai bien compris, Dieu n'existe pas?"
-"Ai-je dit que Dieu n'existe pas?"
-"Bien Maître, s'écria le jeune homme rassuré, donc Dieu existe !"
-"Ai-je dit que Dieu existe?"
Déçu, le croyant en recherche s'écrie :
- Ô Siddartha, que votre oui soit oui ! Que votre non soit non ! Respectez le principe de non contradiction.
Chez les Hindouistes il paraît qu'il ne faut pas confondre le Brahman (neutre) avec le masculin Brahma, première divinité de la Trimurti, la deuxième étant Vishnu et le troisième Shiva. C'est une règle des religions trinitaires que la Deuxième Personne finisse par occulter et absorber la Première. Le christianisme y a échappé de justesse.
Aujourd'hui, l'infortuné Brahma devenu S D F n'a plus de sanctuaire. L'Inde a roulé Brahma dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts, les dieux tués par l’indifférence des masses et la théologie négative des doctes dont l'exemple le plus illustre est la sinistre légende du péché originel. Heureusement, la version élohiste, digne de l'idée que l'on peut se faire d'un Dieu créateur, subsiste dans le premier chapitre de la Genèse. Le vocabulaire est révélateur : lumière, luminaire, firmament, éclairer, séparer, bénir ; et la formule récurrente : ET DIEU vit que cela était bon. Alors DIEU dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance. Homme et femme il les créa. Et Dieu les bénit, disant : Soyez féconds et multipliez-vous ! Ils sont créés sur pied d'égalité, en même temps. Mais il manque, ô divine prescience, le leitmotiv de la symphonie : Et il vit que cela était bon.
Il m'est impossible d'oublier cette remarque d'un étudiant coréen récemment débarqué en Europe : "C'est tout de même fantastique : en Occident chrétien, aucune église n'est consacrée à Dieu !" Je répondis : " C'est pourtant vrai, Matsou! (Abréviation de Matsoumoto, son père était japonais) vous avez raison : Ex extremo Oriente lux. Pour la défense de l'Eglise romaine, j'aurais dû ajouter ceci : En principe, sur le fronton de tout édifice religieux, on devrait lire D.O.M. soit DEO OPTIMO MAXIMO : A DIEU TRÈS BON TRÈS GRAND
C'est Pythagore, cet homme de génie dans tous les domaines, qui a œuvré en Italie du Sud, où s'épanouira l'Evangile éternel de Joachim de Flore, c'est Pythagore qui a donné au Très Grand Dieu son plus beau nom : l'Âme du monde, dont le seul prononcé est une adoration. Mais l'Âme du cosmos ne se confond pas avec le cosmos, comme le croyaient les Stoïciens. "Il existe dans l'Univers, dit Giordano Bruno, vingt siècles après Pythagore, un principe de vie et d'unité. Ce principe conscient, je le nomme, comme les Anciens, Âme du monde. Elle est semblable à l'âme de l'homme et à celle de l'animal par rapport au corps de l'un et de l'autre." Je suis heureux de noter cette allusion au combat de ma vie : l'âme des animaux que je désespère de voir proclamer, tout en comprenant les réticences de l'Eglise de Rome : on assisterait en Occident médiatique et commercial à un déferlement de zoolâtrie et de niaiserie, dont Mickey est le prototype.
L'Âme du monde n'est autre que l'Esprit qui plane au-dessus des eaux initiales. Jésus, renonçant aux vocables de l'Ancien Testament : Iaweh, El Elyon, Adonai, El Shaddai, le nomme le Père du Ciel, le Père qui est aux Cieux ou tout simplement mon Dieu (mon Elohim), comme en Apocalypse III, 12: "Le vainqueur, je ferai de lui une colonne dans le Temple de mon Dieu, et il n'en sortira jamais plus (pour revenir sur la Terre, la réincarnation étant le contraire de la vie éternelle)." "J'écrirai sur lui le nom de mon Dieu et le nom de la cité de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du Ciel d'auprès de mon Dieu, ainsi que mon nom nouveau." (Ce nom nouveau le voici : "Je suis le Moissonneur de l'Eternel Eté, Je suis le Vendangeur de l'Automne Eternel." Sous ces termes poétiques se cache le jugement, c'est-à-dire les comptes à rendre.
Le Moissonneur est bien décrit en Apocalypse XIV, 14. "Puis, j'eus une vision: c'était une nuée blanche et, assis sur la nuée comme un fils d'homme ayant sur sa tête une couronne d'or et dans la main une faucille tranchante." Il est remarquable qu'en français, trancher est synonyme de juger définitivement.
Apocalypse XIV, 16 : "Et celui qui était assis sur la nuée lança sur la terre sa faucille. Alors, la terre fut moissonnée." Il s'agit là du jugement général, peut-être même du jugement dernier. Quant au jugement particulier, il y est fait allusion au verset 13 ainsi qu'à la résurrection immédiate : "Et du ciel, j'entendis une voix qui disait : écris " Heureux dès maintenant les morts qui meurent dans le Seigneur ! " "Oui, dit l'Esprit, qu'ils se reposent de leurs travaux ! Car leurs actes les suivent."
L'Evangile éternel abrégé conserve la notion de Karma qui se vérifie, qui est morale et même biblique : leurs actes les suivent. Je maintiens ce que j'ai dit sur la réincarnation dans Le mystère des Retours éternels (Robert Laffont), notamment sur le Karma que l'on paie dès la fin de la vie.
L'Esprit sans adjectif désigne le Très Grand Dieu : Toi, le Seul Vrai Dieu, dit Jésus dans la Prière sacerdotale ; le Pantocrator, comme l'a écrit saint Jean à qui Nicodème avait enseigné le
Je m'aperçois que j'ai fait la même erreur que Jean Astruc, je n'ai pas tiré les conséquences de mon titre : Dieu est le verbe être au participe futur. Astruc est excusable, il n'était pas théologien. Les professionnels auraient eu beau jeu de lui rétorquer : "De quoi vous mêlez-vous ? A chacun son métier et les vaches sacrées seront bien gardées ! Retournez donc à vos clystères!"
Jean Astruc, en effet, professa la médecine à Toulouse, à Montpellier, puis à Paris où il fut nommé Régent de la Faculté de Médecine et docteur consultant de Louis XV. Au sommet de sa carrière, le voici premier médecin du roi de Pologne. Son principal ouvrage, précise le Grand Dictionnaire du XIXe siècle, est De morbis venereis qui énumère une liste impressionnante de titres avant d'ajouter :"Il a cultivé aussi avec quelque succès les sciences naturelles et la métaphysique." C'est certainement là que se situe sa découverte concernant la genèse et les deux noms attribués à Dieu.
Dieu et sa création sont au futur, cela signifie qu'ils sont imparfaits et c'est bien ainsi. S'ils étaient parfaits au sens de complet (on n'admet plus personne), d'achevé et de terminé, le monde n'aurait plus de sens (sens = direction et signification) et l'homme n'aurait plus rien à faire.
Or, il a son rôle à jouer, il doit mettre la main à la pâte, il doit prendre en charge le globe où il est né. On le constate surtout à cette époque de derniers jours (au 1er siècle on en parlait déjà) avec le réchauffement de la planète et le mouvement écologiste.
grec après la mort de Jésus, ce qui lui a permis de rapporter leur entretien. Toi, le Souverain des mondes, comme l'a entendu Muhammad instruit par Gabriel, et je précise tout de suite que le Prophète n'a rien à voir avec les Islamistes, nos contemporains. C'est à eux qu'il s'adresse dans ce hadith prophétique : " Je vois venir vers vous le mal qui emporta d'autres nations avant vous : l'envie alliée à la haine". Muhammad est un homme de Dieu qui a sa place dans l'Evangile universel. Le titre donné à Dieu par le Coran : Le Souverain des mondes fait allusion à leur pluralité. L'intuition est d'autant plus remarquable qu'en son temps l'obstacle de la cosmographie géocentrique de l'astronome Claude Ptolémée pesait toujours sur la théologie des fils d'Abraham. Dieu n'avait pas encore envoyé le prophète polonais Copernic pour rétablir la vérité laquelle descend peu à peu, pas à pas sur le monde. Son aspect scientifique se révèle en dernier, c'est-à-dire à notre époque de fin d'un monde. Les nouveaux prophètes se nomment Planck, Einstein, Fermi, Born, Louis de Broglie et son disciple Olivier Costa de Beauregard (décédé en 2007) avec qui je correspondais. Sans oublier Hubert Reeves qui s'est fait la tête de Dieu le Père.
En réalité, il ne mérite ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.
S'il est en mesure de détruire le monde, Adam l'est aussi de le sauver. Les spiritualistes d'aujourd'hui et de toujours ont trop tendance à déprécier l'effort humain. La vieille théologie oscille toujours entre ces deux pôles : l'homme vil vermisseau et l'homme en devenir divin. (On connaît le refrain : Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu.)
II
L'ANGE DES ANNONCIATIONS
L'Evangile éternel est l'Evangile des Etres éternels, les Archanges, les Elohim. "Et je vis un autre ange qui volait au zénith". Quel est cet autre ange qui vole au milieu du ciel et au milieu du livre de la Révélation ? Quel est-il sinon Gabriel ? Gabriel qui se tient devant Dieu et qu'Il a envoyé en priorité à l'Egyptienne Agar, mère d'Ismaël ; puis à Sarah, mère d'Isaac ; à Zacharie, père de Jean le Baptiste ; à Marie, mère de Jésus ; à Jean en l'île de Patmos. Mais ce n'est pas là sa dernière intervention ; il revient vers Mahomet, sur le mont Hira. Jean et Mahomet l'ont vu en forme de colosse dont la tête touche le ciel.
Apocalypse X complète Apocalypse XIV : revenu sur la Terre, Jean voit descendre des cieux un ange plein de vigueur, nimbé de l'arc en ciel, au visage de soleil, aux jambes comme des colonnes de flammes, qui tient en sa main droite un petit livre ouvert. "Il posa son pied droit sur la mer et le gauche sur la Terre, et il cria d'une voix puissante, comme un lion qui rugit." Quand il eut crié, les sept tonnerres firent retentir leurs voix. Il sera achevé le mystère d'Elohim !
Le petit livre au contenu immense est ouvert. Il n'est pas hermétique, ni abstrait, ni abstrus, il est intelligible, offert à tout homme de bonne volonté. Il est court, il contient l'essentiel, tout ce qu'il faut savoir pour vivre et survivre. Bref, le minimum vital, qui deviendra en l'autre monde le minimum survital… Il faut le dévorer à belles dents, avec grand appétit spirituel, cela sera facile parce qu'il est doux, et naturel, et savoureux comme le miel. C'est un miel toutes fleurs de toutes provenances. Certaines donnent des aigreurs. S'il est amer dans les entrailles, c'est parce qu'il précède le jugement, mais quand il a été assimilé, on se sent plein de sève et heureux, plein de paix.
Au temps de saint Jean, le petit livre, le bibliarion, était l'Evangile insurpassé, imprescriptible, irremplaçable que nous connaissons.
Au cours du Troisième Millénaire, il sera cet Evangile imprescriptible, insurpassé, enrichi des autres Ecritures.
(Le chapitre X s'achève sur ce verset : "Et l'on me dit : (on : le Christ qui dicte tout le livre) "Il te faut encore prophétiser (non pas prédire l'avenir, mais être inspiré) pour les peuples, les nations, les langues et les rois en grand nombre". Tel serait, s'il fallait le récrire, le prologue de l'Evangile éternel et mondial qui conclurait ainsi : libres croyants de tous pays, unissez-vous dans le F.L.D. Front de Libération de Dieu qui n'a jamais ordonné le suicide et encore moins le génocide.
III
RÉVÉLATION – RÉVOLUTION ATOMIQUE
L'apôtre Jean, comme Jésus, ne connaissait que le langage imagé des symboles. Ni l'un ni l'autre ne savait, Dieu merci, manier les abstractions. C'est pourquoi il est dit que la Jérusalem céleste, image de la Révélation totale, a douze portes constamment ouvertes vers les quatre directions de l'espace terrestre.
Mais en ce chapitre XXI, Jean demeure très judéo-chrétien : les noms écrits sur les douze portes de la ville sont les noms des douze tribus d'Israël et ses douze assises portent les noms des douze apôtres. En réalité, ils sont toujours gravés en hébreu. Il ne s'agit pas ici d'une vision à proprement parler, mais d'une description littéraire empruntée à Ezéchiel et à Isaïe. Jean est encore très marqué par l'Ancien Testament. Il n'a pas rompu avec le passé. N'aurait-il pas entendu comme tous ceux qui sont à l'origine d'une nouvelle dispensation :"Va! Sors de ton pays et de ton parentage!"(Genèse XII,1)
Il serait donc urgent de construire un système spirituel mondial, comme il existe un système métrique et un alphabet des occidentaux. Quand l'alphabet latin sera-t-il l'alphabet de la Terre ? Mustapha Kemal, le grand laïque, l'avait imposé à la Turquie ; le shah d'Iran y songea sérieusement pour son pays, cela lui coûta son trône. L'Indonésie, le plus grand pays musulman, l'a choisi.
Parce qu'il est universel, l'Evangile Eternel est rationnel. L'Esprit souffle où il veut : en Occident comme en Orient (qu'il soit proche ou Extrême) Bonjour Confucius ! Nous ne t'oublions pas. L'Esprit souffle aussi quand il veut : de la fraîcheur de l'aube à la fraîcheur du soir, du Troisième Millénaire du pharaon Djoser et de son vizir Imhotep à notre Troisième Millénaire qui commence si mal et n'est pas encore dégagé du sinistre XXè siècle dont nous payons la note.
L'Esprit de Dieu est comme Lui-Même Logos. Logos, c'est-à-dire logique. J'emprunte à Voltaire la limpide formule qui suit : "Dieu avait l'idée du monde avant de le former, c'était son Logos, donc le monde est la production du Logos".
Et la comparaison s'impose avec le Megas Noûs de Xénophane, identique à la Grande Pensée d'Einstein et de la Gnose de Princeton. Princeton est cette Université qui a vu une concentration extraordinaire de génies, un jaillissement d'idées audacieuses, vérifiées par les faits. Désormais, c'est le matérialisme qui est ringard, c'est lui qui doit livrer le combat d'arrière-garde.
Raymond Ruyer a résumé les thèses fondamentales de Princeton : le monde est dominé par l'Esprit, fait par l'Esprit ou par des Esprits délégués…" que l'on aurait envie de nommer les Elohim ou les Fils du matin acclamant la naissance du monde. Voir le Livre de Job.
"L'Esprit trouve (ou plutôt se crée à lui-même) une résistance, une opposition : la matière." Et Ruyer explique que par la science, mais une science supérieure et transposée, l'homme peut accéder à l'Esprit cosmique. Si son intelligence se fonde sur la sagesse, il trouvera son équilibre, sa plénitude, sa rédemption. L'Esprit peut devenir objet de science. Qu'est-ce qu'un esprit ? C'est une conscience, incarnée ou pas.
Qu'est-ce que l'Esprit ? C'est la Conscience cosmique ! C'est l'autre nom de Dieu qui se connaît et nous connaît. C'est Dieu à notre portée, un soleil qui réchauffe sans brûler et qui éclaire sans aveugler.
Ces idées étaient dans l'air dans la première moitié du XXe siècle. Vers la même époque, Teilhard de Chardin affirmait qu'il ne doit exister dans le monde qu'une seule énergie, c'est-à-dire que l'énergie physique et l'énergie spirituelle fusionnent, se tiennent et se prolongent.
"Au lieu d'opposer matière et esprit, il faut opposer deux directions : l'une descend vers la poussière du multiple et se perd ainsi dans le néant, l'autre s'élève avec toute la nature vers des types de plus en plus complexes, de mieux en mieux organisés."
Ces idées inouïes étaient non seulement dans l'air, mais aussi dans l'espace où un esprit transcendant annonçait : "Ce que la science vous révèlera, c'est la matérialité de l'effluence spirituelle et la spiritualité de la matière, qui suppriment de fait toute frontière entre les deux mondes, dissemblables dans leurs résultats apparents, mais identiques en somme ; la nature et l'esprit étant la même chose à un degré différent de condensation." Ainsi parlait le messager christique Pierre Monnier, rejoint ensuite par son jeune frère Roland de Jouvenel: "La science sera le véhicule emprunté pour redonner au monde l'idée que l'impensable est une réalité. Ce n'est que par la voie scientifique parfaite que l'homme se convertira au mystère. La science pure en ses prolongements les plus hauts peut parfois expliquer le monde invisible. Si matérialité de l'Esprit peut choquer certains, disons substantialité en nous souvenant que le pléonasme bien connu : donne nous aujourd'hui notre pain quotidien est en réalité, selon la Vulgate, Da nobis hodie panem nostrum supersubstantialem.
C'est Einstein qui ouvrit cette voie scientifique parfaite où s'engagèrent tant de physiciens et d'astrophysiciens qui optèrent pour l'Esprit : "C'est la physique, science de la matière par excellence, qui dématérialise le monde matériel et nous fait entrevoir un monde de lumière et d'ondes."
L'intrépide science actuelle débouche à la fois sur l'autre monde et sur les autres mondes. Les deux termes se retrouvant dans cette phrase capitale du père de la relativité : "Le monde terrestre de l'homme ne vaut que pour l'homme terrestre, mais un autre monde (il ne précise pas s'il est physique ou spirituel), et beaucoup d'autres mondes, aussi réels que le nôtre, mais construits sur une autre échelle, valent pour ceux qui sont à cette échelle."
C'est ce qu'avait compris et annoncé Giordano Bruno, un des héros, un des martyrs de l'Evangile éternel depuis la mort de Jean de Parme, Evangile universel où les Italiens et les Français à noms italiens, comme Gassendi et Cyrano de Bergerac, ont assumé un si grand rôle ; on l'a vu plus d'une fois au cours de mon ouvrage.
Parmi eux Louis de Broglie (1892-1987) a découvert que la matière est de la lumière concentrée : "La lumière vient de se révéler à nous comme susceptible de s'évaporer en lumière. La lumière est la forme la plus subtile de la matière."
Un jeune homme de vingt-trois ans, Michel Forget, fils de Belline, transcription française de Bellini, Michel qui s'est tué au volant de sa voiture, a constaté en arrivant dans l'autre vie, la réalité de cette merveille : "Au moment de la mort, l'énergie de l'âme s'échappe en éléments lumineux que tu appellerais particules et corpuscules, ondes et vibrations… Dans cet espace, nous sommes des lumières pensantes." Il y a tout dans ce bref et dense message où chaque mot compte : l'âme, prise ici au sens de corps spirituel, est une énergie. C'est le corps subtil qui est de structure atomique comme tout ce qui vit. Le corps subtil est de la nature de la lumière, à la fois particules-corpuscules et ondes-vibrations. Si, post mortem, le corps physique repose dans la Terre, où il se dissout, le corps spirituel, lui, vit dans l'Espace. L'Espace est le lieu des esprits et de l'Esprit. Une mère déchirée, Mme Yvonne Quélavoine en avait eu l'intuition. Bien qu'elle fût agnostique, pour ne pas dire athée, elle n'arrivait pas à croire au néant. Elle et son mari étaient dans l'enseignement laïque, lui comme directeur d'école, elle comme institutrice. Quand en septembre 1935, leur fils Jean mourut à l'âge de douze ans, ils lui firent des obsèques civiles.
Mais le chagrin était toujours là, les questions aussi, toujours plus obsédantes. Yvonne Quelavoine ne pouvait se résoudre à ranger le pardessus du jeune garçon au fond d'un placard, comme un psychiatre le lui avait conseillé. Bien au contraire, elle le caressait chaque fois au passage. Enfin, elle posa la bonne question, pas la question pourquoi ? Trop métaphysique, mais la question où? bien réaliste et bien concrète. "Jean, mon petit Jean, où es-tu?" Un bruit métallique dans la salle à manger, elle s'y précipite … et elle voit une des tulipes de la suspension se détacher, et, au lieu de tomber verticalement, décrire une parabole et se poser sur le parquet à deux mètres de là, juste au pied du fauteuil de Jean, où était placée une grande photographie de lui.
M. Quélavoine accourut, ramassa la tulipe et remarqua que le parquet en gardait les traces, comme si elle avait été déposée brûlante. Quand il voulut la remettre en place, il fut stupéfait de constater que les trois vis qui la maintenaient étaient restées bloquées. Pour y parvenir, il dut les dévisser une à une. Preuve très matérielle donnée à des gens qui professaient le matérialisme. Manifestation physique en attendant les manifestations spirituelles.
Une autre fois, au cours d'une réunion de famille, Jean dit à Mme Quélavoine : "Je suis là", et la voix fut perçue par plusieurs personnes." De nouveau était attestée la présence effective des esprits dans l'espace.
Comme toujours il y eut au début de cette nouvelle expérience vécue des manifestations concrètes et spectaculaires en attendant une suite de messages qui dispensèrent un authentique enseignement ésotérique.
C'est par André Dumas, ami des Quélavoine et auteur de La Science de l'Âme (Dervy-Livres), que nous connaissons ces faits et ces textes que j'ai joints et dont j'ai fait la synthèse dans Les Témoins de l'Invisible.
Des quantités de notions oubliées par les églises et les philosophies ont été remises en valeur.
Par exemple, l'homme est un ternaire : 1) Esprit=animus=animo, 2) Ame=anima=psyché=corps subtil, 3) corps physique qui, pour la plupart des gens est la seule réalité.
Dans l'incarnation, le corps de lumière est délimité par le corps physique qu'il imprègne en toutes ses parties comme l'eau imprègne l'éponge. Le corps de lumière est en quelque sorte emprisonné, mais son rayonnement persiste, et cette efflorescence, invisible à l'état normal, se nomme aura.
Au moment de la mort et dans le Pays d'Après, les atomes qui le composent ne se dispersent pas dans l'infini. Ils demeurent attirés par une sorte de soleil central, organe spirituel nommé chakra du cœur ou mieux cœur sacré. Dieu est le Cœur Sacré du corps-univers.
Dans ses livres, Bergson n'a pu aller si loin ni si haut, sous peine de perdre sa qualité de philosophe, il ne s'est pas aventuré dans le domaine des anges. Son grand mérite est d'avoir substitué à l'évolutionnisme mécaniste l'évolution créatrice et l'élan vital. L'élan vital, cette poussée extraordinaire vers l'espérance, vers une existence surabondante, vers un plus être. L'élan vital est d'abord perçu chez les êtres comme instinct de conservation, puis il crée les moyens permettant à la vie de durer et de s'amplifier.
Après Bergson et dans sa mouvance, son disciple Gabriel Marcel a mis l'immortalité au centre de sa pensée. Pour lui, la philosophie ne consistait pas à bâtir des systèmes abstraits, c'était avant tout les rapports entre les êtres et cette connaissance d'autrui qui mène à Dieu. Pour lui, le paradis, c'étaient les autres. On n'atteint l'être que chez les autres, donc par l'amour. "Aimer un être, c'est lui dire : toi, tu ne mourras pas". C'est vouloir pour lui l'immortalité.
Ces quelques phrases résument son humanisme chaleureux. Il déplorait que "la plupart des Occidentaux, même chrétiens, n'arrivent plus à appréhender l'idée d'un aspect non objectif du corps. C'est pourtant à partir de cette idée qu'il est possible de projeter quelque lumière sur les phénomènes dits surnaturels."
L'aspect non objectif du corps, cela porte un nom, c'est le corps subtil dont nous venons de parler.
C'est ce corps d'esprit qui est le gage et le garant de la survivance en attendant l'immortalité. Il existe en effet une différence entre la première et la seconde. La survivance est un phénomène naturel comme la naissance ; la seconde, qui se mérite, relève de la grâce ou décision divine.
Gabriel Marcel s'intéressait à mes travaux sur ce sujet et je lui lisais mes Témoins de l'invisible au fur et à mesure de leur rédaction. En 1968, il m'honora d'une préface qui me mit sur orbite quatre ans plus tard.
Dans le sillage de mes Témoins, Paul Misraki, qui lui-même à l'époque recevait des messages, traduisit et introduisit en France le best-seller du docteur Moody : la Vie après la vie. Moody, qui confirmait mes intuitions, fit entrer toutes ces choses dans le domaine scientifique qu'elles ne devaient plus quitter.
Le dernier chapitre de mes Témoins s'intitulait : le survitalisme. J'expliquais que ce mot formé sur l'adjectif survital désignait la croyance en la survivance immédiate, évolutive, active et personnelle.
- Survivance immédiate : ne pas prendre immédiat à la lettre. Le réveil des lumières pensantes dans le monde invisible se produit après un temps de sommeil plus ou moins long, cela varie selon les personnes et dépend de leur spiritualité. Résurrection immédiate signifie pas de néant, pas de sommeil interminable en attendant la résurrection des corps à la fin des temps. A la fin des temps équivaut à dire jamais ; il n'y a pas plus de fin des temps que de bornes de l'espace. Quant au mot "résurrection" il signifie relèvement : à l'instant suprême le corps subtil se lève du corps physique comme, le matin, l'homme se lève de son lit et le quitte pour marcher vers les travaux du jour. Le corps spirituel s'élève dans l'espace, c'est l'Ascension. Celle du Christ fut visible, c'est ce qui la distingue de la nôtre.
- Survivance évolutive : après la désintégration du corps physique, pas de blocage dans la pensée. Le progrès continue, si l'esprit le désire ; car le libre arbitre et la responsabilité subsistent, eux aussi, dans le Pays d'Après.
- Survivance active : pas de farniente éternel, pas de torpeur ou de léthargie. Aucune diminution des fonctions d'énergie et d'élan vital. Bien au contraire, accroissement de ces fonctions dans la vie surabondante.
- Survivance personnelle : pas de fusion, pas de dissolution dans le magma spirituel d'un vague nirvana. L'immortalité sans la personnalité serait une duperie.
Parce qu'il est rationnel, l'Evangile éternel est factuel, c'est-à-dire qu'il tient compte des faits, qu'ils soient historiques ou naturels. Au premier rang des faits naturels : l'évolution. Ces modifications par degrés régissent non seulement le monde physique, mais aussi le monde mental et psychique, non seulement les végétaux, les animaux et les hommes, mais aussi les esprits et les anges.
IV
L'ÉVANGILE ÉTERNEL ITALIEN
Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, une grande émotion partie d'Italie se répandit en France et en particulier dans l'évêché de Paris. Il était question d'un livre intitulé Evangelium æternum qui se transmettait sous le manteau. Son auteur présumé était le Franciscain Gérard de Borgo San Donnino qui travaillait sous le regard de Jean de Parme, général de l'Ordre. Tous deux étaient disciples de Joachim de Flore qui avait fondé en Calabre l'abbaye de Saint Jean de la Fleur. Ce mystique, qui mourut en odeur de sainteté en 1202, avait longuement médité, puis écrit sur l'Apocalypse. Il avait été frappé par le chapitre X et par le fameux verset 6 du XIV où apparaît l'Evangile éternel.
Troublé, comme beaucoup d'autres, par le dogme de la Trinité dont il ne trouvait pas de trace dans la Révélation de saint Jean, ni dans la Bible, à part la ridicule histoire des deux anges qui faillirent se faire violer par les sodomites (Genèse XIX,5) , Joachim de Flore imagina que les trois personnes divines s'étaient partagé le gouvernement des siècles. L'empire du Père s'étendait depuis la création du monde jusqu'à l'avènement du Fils, et durait quatre mille ans ; il avait pour Ecriture l'Ancien Testament.
L'Empire du Fils commence à Zacharie, père du premier Jean, le Baptiste ; il a pour Ecriture sainte le Nouveau Testament, ne dure que douze siècles et demi, et s'achève en 1260. A cette date précise, disait Joachim de Flore, les peuples passeront sous le règne de l'Esprit.
Selon lui, l'homme, lui aussi, a traversé les trois états : sous le règne du Père il était charnel ; sous le règne du Fils spirituel et charnel à la fois ; il sera purement spirituel sous le règne de l'Esprit, règne qui durera jusqu'à la fin du monde. Dans cette troisième période devront cesser les sacrements, la liturgie, les images et tous les signes matériels. Il ne restera plus que la vérité. On comprend que l'Eglise romaine n'ait pas apprécié.
L'Evangile éternel historique, anthologie de passages empruntés à Joachim de Flore, parut en 1254 et arriva à Paris où il fit scandale.
C'est en effet chez nous que l'affaire de l'Evangile éternel prit les proportions les plus virulentes. Les querelles de l'Université avec les ordres mendiants se déchaînèrent au sujet de ce manuscrit devenu mythique ; les dominicains le reprochaient aux franciscains et les franciscains aux dominicains. Finalement, l'Université, par la voix de Guillaume de Saint-Amour, accusa les ordres mendiants, et l'opinion publique, qui était en leur faveur, s'en prit à Saint-Amour. On n'en sortait plus. C'est alors que l'évêque de Paris alerta le pape pour qu'il tranchât la question.
En 1255, à Anagni, une assemblée de cardinaux censura l'Evangile éternel et condamna à la prison perpétuelle Jean de Parme, le général des Franciscains, qui l'avait dicté à Gérard de Borgo San Donnino. Jean de Parme fut sauvé in extremis par Alexandre IV, mais Gérard de Borgo ne fut pas épargné (pour situer Alexandre IV, rappelons que c'est lui qui établit l'Inquisition en France, à la demande de saint Louis, lui-même introducteur de la rouelle équivalant de l'étoile jaune.)
Le texte de l'Evangile éternel est perdu, à moins qu'il ne se trouve dans l'Enfer de la bibliothèque du Vatican. On ne connaît sa doctrine que par les condamnations qui l'ont frappée. On peut la pressentir à travers la personnalité de Jean de Parme, inspiré par Joachim, abbé de Saint-Jean-de-la-Fleur, et par Jean Bernardone, plus connu sous le nom de saint François d'Assise.
Jean de Parme avait toujours été soucieux d'œcuménisme, c'est pourquoi le pape Alexandre IV, avant la malencontreuse affaire de l'Evangile éternel, l'avait désigné pour une mission importante, il s'agissait d'engager les orthodoxes à se rapprocher de Rome, mais le Parmigiano n'avait pas réussi à les convaincre.
Mystique tout imprégné de l'esprit de saint François, il avait enseigné avec succès la théologie à Naples, à Bologne et à Paris. Voilà pourquoi son évangile éternel fut si bien reçu chez nous.
D'abord condamné par les cardinaux, puis gracié par le pape, Jean de Parme se retira dans le couvent de Grecchia, près de Rieti, où il vécut obscurément pendant encore trente-deux années. Le conflit de l'Evangile hétérodoxe s'éteignit avec lui. Provisoirement.
Joachim de Flore avait eu le tort de fixer une date trop précise à l'avènement du règne de l'Esprit et surtout de croire et d'enseigner que le règne du Fils, réduit à la portion congrue, s'achèverait en 1260. Ce qui s'est réalisé, en un sens, par l'avènement de l'Inquisition.
En réalité, le règne du Christ n'est pas fini, il n'est par près de s'achever puisqu'il se réalise en la vie indestructible, nommée aussi vie éternelle, puisqu'il est toujours actif et présent sur la Terre quotidienne.
Les Actes de Jésus (les Evangiles historiques) ne se sont pas limités au 1er siècle. Encore aujourd'hui, le Médiateur, toujours opérationnel, enseigne, guérit, exauce et surtout chasse les esprits mauvais. J'en ai eu, le mois dernier, la preuve objective.
Des amis, des lecteurs et des lecteurs amis m'ont reproché d'avoir minimisé la personne de Jésus. Ils n'avaient pas tort, mais je n'avais pas tort non plus. Prêtres et pasteurs reconnaissent qu'il y a plusieurs théologies dans le Nouveau Testament.
Il est temps de donner au chapitre XII de l'Apocalypse sa véritable interprétation : la Femme revêtue de soleil, ayant la lune sous ses pieds et couronnée de douze étoiles (les douze tribus) c'est l'ancienne alliance qui, en des douleurs atroces, a enfanté un fils dont on ne dit rien, sinon qu'il a été enlevé vers Dieu et vers Son Trône et qu'il doit gouverner les nations avec un sceptre de fer. Cela se produira à partir du XIIIe siècle ; au christianisme de Jeanne d'Arc, de saint François et de Jean de Parme, va succéder celui des bûchers de Torquemada et du Ku Klux Klan nord américain.
Cependant, Dieu ne veut pas qu'Israël disparaisse. Il ménage un refuge à la Femme. Il lui donne les ailes du grand Aigle contre le Serpent, il lui envoie l'archange Gabriel, la Bouche de la Terre. Il limite son épreuve dans l'espace (le désert) et la durée (un temps, des temps et la moitié d'un temps).
Dans cette dixième décennie qui m'est accordée, j'ai cru naïvement sous l'influence de l'Islam (j'ai déchanté depuis) que le strict monothéisme était la solution et qu'il expliquait tout. D'où mon malaise dans le christianisme et particulièrement dans le monde catholique. Chez les Protestants européens, on croit en principe en la Trinité, on résout le problème en n'en parlant jamais. Même chez les calvinistes qui ont toujours sur la conscience l'affaire Michel Servet. La Trinité, me disait Romana, implique la croyance en la divinité du Christ. Si l'on n'y croit pas, on n'est plus chrétien. J'étais donc fort troublé, car je tiens beaucoup au Seigneur Jésus.
"Tu crois qu'il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi et ils tremblent."
Donc, ils connaissent la vérité, leur péché n'est pas tant l'incrédulité ou le mensonge, que le refus d'accomplir les œuvres de la vérité. La foi en un seul Dieu n'est pas toute la foi. Elle est nécessaire, mais pas suffisante.
Si vous consultez cette bible scandaleuse qui s'intitule Histoire universelle, vous constaterez que la plupart des hommes de grande foi ont aussi été des êtres abominables, alliant leurs conceptions bornées à leur férocité native et leur intolérance à leur orgueil démentiel. Par contre, c'est chez les sceptiques que vous rencontrerez le respect de la parole donnée, la générosité, le sens de l'honneur, l'indulgence et l'intelligence ; les prototypes étant Voltaire, Montaigne et Cyrano de Bergerac. Et la-dessus une vieille idée refait surface : il n'est pas bon que l'homme soit seul. Aussitôt après, une épinoia irrespectueuse vient mêler son grain de sel : Il n'est pas bon non plus que Dieu le soit.
Et j'en reviens au monothéisme tempéré que je formule ainsi: Il existe un seul Dieu, mais ce Dieu n'est pas seul. Et j'évoque l'attribut divin dont on parle trop peu : le bonheur ; le bonheur qui est l'être à sa puissance mathématique la plus élevée. Il n'est pas de bonheur dans la solitude. Si les anges n'existaient pas, il faudrait les inventer, ne serait-ce que pour le bonheur de Dieu.
Les anges n'ont pas été créés naturellement bons, comme les végétaux, dans leur majorité, ont été programmés pour le vert. De même, les anges ont été créés libres : on ne peut être aimé que par des êtres libres, et cela dans tous les règnes. Créés libres avec tous les dangers que cela comporte, certains d'entre eux se sont imaginé dans leur autonomie, que leur beauté, leur intelligence, leur pouvoirs leur appartenaient en propre et qu'ils en étaient les auteurs ; ils en ont conçu de l'orgueil et de l'arrogance.
Premiers mégalomanes, ils se sont crus de la même nature que Dieu. Ils ont voulu, péché suprême, se faire pareils à Lui. C'est alors que Mikhaël lança son fameux cri parvenu jusqu'à nous :
- Qui est comme Dieu ? Qui peut créer ? Comme tous gardaient le silence, ce fut l'archange lui-même qui apporta la réponse :
- Personne n'est comme Lui. Aucun d'entre vous ne saurait créer.
- Si ! Moi ! s'écria Satan qui avait réussi à entraîner dans sa révolte le tiers des célestes.
- C'est ce que j'ai dit. Tu ne peux rien créer, rétorqua Mikhaël. Tu ne peux rien tirer du néant. Si cela était possible, tu l'aurais fait depuis longtemps.
– Je le sais, je ne peux rien produire, mais je peux détruire. Je fais cela très bien. Je me servirai de l'humanité pour saboter son œuvre.
Alors, commença la grande bataille qui se prolonge jusqu'à nos jours. Les premiers contingents révoltés furent vaincus mais ils échappèrent à l'Etang de feu. L'anéantissement immédiat et total, solution de facilité, aurait fait l'économie du grand carnage de l'Histoire.
Les opposants furent donc précipités sur la Terre qui devint la capitale de leur empire colonial. Jésus qui était présent se souvient : "Je vis Satan tomber du Ciel, comme un éclair".
Pour récompenser l'Elohim Jésus de sa fidélité, Dieu lui accorda la divinité. On ne peut être vraiment aimé que par un être de la même nature et la même dignité. Il ne nous suffit pas d'aimer ; pour que le bonheur soit complet, il nous faut encore nous sentir aimés.
Tombé, ou plutôt projeté sur la Terre par le lieutenant de Dieu, Satan a fait de notre globe sa citadelle et son royaume. Il s'est proclamé le Prince de ce monde et, à tout ambitieux, désormais il chuchote :
"Je te donnerai toute cette puissance et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été remise (remise par qui ?) Et je la donne à qui je veux. Je la donne à Hitler, je la donne à Staline, je la donne à Mao." Au xxe siècle, les donataires ne manquaient pas, les adorateurs non plus. Des peuples entiers étaient possédés.
" Ah! le XXe siècle, c'était le bon temps ", soupire le Saboteur.
" Je me croyais revenu à l'époque de Néron et de Domitien. C'étaient mes jours de gloire, nos jours de gloire, car nous étions légion. La modernité et ses techniques prodigieuses semblaient faites pour nous. On s'assemblait autour des grands et des petits écrans, comme il y a vingt siècles autour des cirques romains, fascinés comme jadis par le spectacle des obscénités et des supplices. "
" C'est votre saint Paul qui a la vision la plus tragique de cette omniprésence, de ce foisonnement des esprits de révolte dans votre atmosphère."
" Revêtez l'armure complète (panoplia) de Dieu pour pouvoir résister aux manœuvres (methodeias) du diable, car ce n'est pas contre la chair et le sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés (archas) contre les Dominations (exousias), contre les Souverains (cosmocratoras) de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du mal répandus dans les lieux sub-célestes (en tois epouraniois). "
" Principautés, Dominations, Souverains, j'aime ce vocabulaire qui rend hommage à notre force. Cependant, nos manœuvres les plus habiles passaient et passent toujours par votre intelligentzia tordue."
Jean, me dit-On, il serait temps que tu reprennes la parole et que tu fermes la parenthèse où l'Autre Bavard s'est engouffré.
Le lecteur a compris que la révolte de l'homme prenait la suite de la dissidence des anges, création incomplète, il leur manquait un corps de chair pour exercer les joies du sexe.
- Si l'intelligentzia ne peut comprendre ces choses, l'intelligence le peut. Reprends ton raisonnement : le bonheur, disais-tu,
- Certes! Mais je découvrais en même temps une nouvelle difficulté : la Binité, le dithéisme, le dualisme en Dieu.
- Tu fais une fixation sur le symbole du soleil : un point au milieu d'un cercle.
- Le cercle est la forme la plus naturelle et la plus universelle. Les planètes dans l'espace tracent des circonférences autour du soleil.
Non, elles tracent des ellipses, or une ellipse a deux foyers.
- Le monothéisme tempéré a pour symbole le cœur, le Cœur sacré. Dans un corps vivant, il n'y a qu'un cœur.
- Oui, mais il y a deux circulations : la grande circulation qui irrigue tout le corps et la petite circulation ou circulation pulmonaire.
- C'est aussi par l'Amour que tu as découvert la réalité de l'âme animale. Souviens-toi, tu avais quatorze ans, ton père t'avait lancé une de ces paroles blessantes dont il avait le secret. D'autant plus blessantes qu'il était fort intelligent. Tu t'étais réfugié au fond du garage et entre deux hoquets tu te répétais : je ne suis pas aimé, je ne suis pas aimé. Alors, la chienne Mascotte, personnification de l'intelligence du cœur, s'est approchée, elle t'a regardé de ses beaux yeux d'or et d'ambre, elle a placé sa bonne tête sous ton visage, pour que ses oreilles si douces et soyeuses (et non pas sa langue) caressent tes paupières et sèchent tes larmes.
Tu étais apaisé, tu étais consolé par un être débordant d'amour et d'âme.
Je veux consulter mon nouveau testament, exemplaire de travail, couvert d'annotations depuis 1937. J'avise le vieux bouquin sur son rayonnage, je l'attrape par une aile. Il m'a vu venir, il m'échappe, dégringole et s'ouvre de lui-même sur l'épître de Jacques adressée aux douze tribus de la Diaspora. C'est alors que saint Jacques, fils d'Alphée, cousin de Jésus, évêque de Jérusalem, m'interpelle rudement au verset 19 du chapitre II. est l'être à sa puissance mathématique la plus élevée, il n'est pas de bonheur dans la solitude. Pour que le bonheur soit complet, il faut encore un autre amour : la réciproque est nécessaire. On ne peut être aimé que par un être de la même nature et la même dignité. C'est donc par l'amour que tu as compris la divinité du Christ, le Deus de Deo, la Lumière de Lumière.
V
L'ANIMA DE NOS FRERES ANIMAUX
Que de fois au cours de ma longue vie, je me suis dit : Heureusement, heureusement qu'il y a les animaux. S'ils n'existaient pas, quel désert de tristesse et d'ennui ! Et quelle solitude ! Et si leur âme, ce concentré de dévouement et de fidélité, n'est pas reconnue, quel chagrin … Quel désaveu et quel échec ! Et pour d'autres, quelle responsabilité !
En ce moment, les Editions Robert Laffont publient une seconde réédition de l'Âme des Animaux et j'en ai profité pour évoquer le destin post mortem du petit fox-terrier Bosco (1947-2007).
Je l'ai fait, dans un post-scriptum qui devait impérativement être court sous peine de démolir la pagination. J'ai dû m'incliner devant la loi d'airain du temps présent : pas de place, pas de temps, pas d'argent.
En réalité, j'aurais voulu évoquer le destin européen du livre publié par Robert Laffont en décembre 1986 dans la collection Les Aventuriers de l'Esprit. Mais je n'avais droit qu'à 3 pages de 38 lignes. C'était trop peu pour évoquer mon passage au Vatican.
La vénérable Institution nous prêta libéralement la Sala Ecumenica qui lui appartenait pour la conférence de presse du 15 novembre 1990 que présenta aux medias italiens GLI ANIMALI HANNO UN' ANIMA Prefazione di Mgr Mario Canciani. Edizioni Mediterranee . Mgr Canciani était ce prélat qui accueillait le dimanche les animaux et leurs maîtres en son église de San Giovanni dei Fiorentini. A ses côtés, nous étions trois : la belle actrice Léa Massari qui a fait en Italie le même travail que Brigitte Bardot parmi nous, le chaleureux animateur Augusto Giordano au nom d'heureux présage… et moi Jean Prieur.
Giordano était persuadé que Jean-Paul II allait se décider.
Mgr Canciani, qui savait que ROMA est l'anagramme de MORA : retard, durée, délai, était beaucoup moins optimiste. Quant à moi, qui comprenais qu'en proclamant François d'Assise patron des écologistes, le Saint-Père estimait avoir fait beaucoup ; je ne me faisais pas trop d'illusions. Je savais qu'on m'objecterait l'absence de textes, et que Luc XII, 6 n'était pas décisif (ne vend-on pas 5 passereaux pour 2 as, et pas un d'entre eux n'est oublié devant Dieu) j'avais en réserve mon ultima ratio que je pensais irréfutable. J'assénai donc à Marie des Grâces, Job XII,10: "Dieu tient en sa main l'âme de tout vivant et l'esprit de tout homme".
Maria delle grazie, aussi charmante que son prénom, qui m'interviewait pour Radio Vatican, répliqua par Job XII,10 version catholique : "Dieu qui tient en sa main l'âme de tout vivant et le souffle de toute chair d'homme"
Les deux textes canoniques ayant été écartés, je ne pouvais espérer qu'un texte apocryphe soit pris au sérieux, bien qu'aujourd'hui tout le monde soit d'accord sur la signification de ce mot : tenu secret.
Il existe donc un livre antique qui traite de l'âme des animaux. Son titre : les secrets d'Enoch, ses lieux d'origine : les couvents de Serbie et de Russie, sa langue d'origine : le grec, la langue dans laquelle il nous est parvenu : le vieux slavon. Les autres ouvrages appartenant au même groupe, le livre éthiopien d'Enoch, le livre hébreu d'Enoch, sont muets sur ce point essentiel.
Voici quelques passages significatifs des Secrets d'Enoch :
"Le Seigneur ne jugera pas les âmes des bêtes par rapport à l'homme, mais il jugera les âmes des hommes selon leur attitude à l'égard des animaux de ce monde."
"Et, comme il en est de toutes les âmes des hommes dans leur ensemble, il en va de même pour les bêtes : elles ne périront pas. Jusqu'au Grand Jugement, il ne périra aucune âme que le Seigneur a faite. Et les âmes des bêtes accuseront l'homme, s'il leur a donné une mauvaise nourriture."
On lit encore au chapitre LIX de ce livre dont on avait perdu la trace pendant 1 200 années :
I. "Celui qui profane l'âme des bêtes, profane sa propre âme."
VI. "Et celui qui cause à n'importe quel animal n'importe quel mal ou tort, il commet un acte abominable et il souille sa propre âme."
Que d'âmes humaines sont aujourd'hui en état de souillure ! Cependant cet âge mauvais ne durera pas toujours. Les animaux qui, contrairement à l'homme, n'ont pas été chassés de l'Eden, l'accueilleront au seuil de ce qu'Enoch appelle le Grand Siècle (Le Grand Siècle expression propre aux Secrets d'Enoch traduit AEVUM qui lui-même traduit AIÔN : éternité). Mais il faudra passer auparavant par le Grand Jugement : "Lorsque s'achèvera toute la création que le Seigneur a faite, lorsque tout homme ira vers le Grand Jugement du Seigneur, alors les temps périront. Il n'y aura plus d'années, on ne comptera plus ni mois, ni jours, ni heures, mais il se fera un seul siècle. Et tous les justes, qui auront échappé au Grand Jugement du Seigneur, s'uniront au Grand Siècle, et le Seigneur, à la même époque, s'unira aux justes et ils seront éternels."
Comme je l’avais annoncé dans mon Histoire surnaturelle des Animaux (J.M.G. 2005), Jean Paul II est entré dans son éternité sans avoir proclamé l’Âme des Animaux et Benoît XVI suivra ses traces.Quant à moi, libre chrétien de base, j'affirme en cet Evangile qui se voudrait universel, j'affirme l'âme des animaux au seul nom de l’Amour.
Jean Prieur
26 novembre 2007
L' Evangile Eternel et Mondial (Vidéo et texte) - Jean Prieur (1914-2016)
Vidéo de 45 minutesréalisée chez Jean Prieur en 2007. Quelques pages à propos de "L' Evangile éternel et mondial" par Jean Prieur: PROLOGUE DE L'ÉVANGILE ÉTERNEL De temps à autre, des lecte...